Diatelic : Surveillance des dialysés à domicile
Robert Hervy et Jean-Pierre Thomesse
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LORIA
Parc Saurupt
54000 NANCY
E-mail : Laurent.Romary@loria.fr
Le suivi, en dehors du milieu hospitalier traditionnel, d’un patient atteint d’une pathologie grave pose un triple problème, humain, médical et économique. Humain, dans la mesure où le patient se retrouve dans la situation de confort psychologique associé à son milieu familial, tout en ressentant une certaine détresse associée au sentiment de ne plus bénéficier du suivi du spécialiste qu’il côtoyait précédemment et surtout devant prendre à sa charge un traitement médical souvent lourd et complexe. Médical, car les bénéfices reconnus d’un éloignement de l’hôpital (par exemple en termes de limitation des risques d’infections nosocomiales) sont associés à la possibilité de voir apparaître des incidents médicaux graves non contrôlables du fait d’une prise en charge trop tardive. Économique enfin, car il est difficile d’évaluer le gain en termes de journées d’hospitalisation au regard du coût associé aux accidents de parcours ou aux moyens de surveillance spécifique (infirmière, médecin de ville etc.) à mettre en uvre.
Le choix d’un traitement palliatif pour un malade atteint d’insuffisance rénale chronique relève de ce débat. Si on laisse de côté le cas spécifique de la transplantation rénale, le choix s’opère entre l’hémodialyse ” traditionnelle ” par épuration extracorporelle du sang du malade et la dialyse péritonéale. Ce traitement évite au patient à avoir à se rendre de façon régulière dans un centre de dialyse pour se connecter de longues heures à un rein artificiel, mais en contrepartie, il doit 4 fois par jour changer les poches du liquide de dialyse, ceci dans des conditions draconiennes d’asepsie. La dialyse péritonéale procure une grande liberté au malade tout en limitant un certain nombre des risques associés aux temps de dialyse trop courts souvent associés à lhémodialyse. Cependant, l’isolement plus grand du malade entre deux visites de contrôle entraîne un fort risque d’accidents occasionnels (péritonite du dialysé, dème aigu du poumon etc.), conduisant à de nombreuses périodes d’hospitalisations, avec les coûts humains et financiers que cela entraîne.
C’est dans ce cadre que le Loria, associé aux médecins de l’Altir (Association lorraine de traitement de linsuffisance rénale) a mis en uvre le système Diatélic de surveillance de patients suivis en dialyse péritonéale à domicile. L’objectif du projet était d’assurer un suivi en temps réel, tout en prévenant un certain nombre des accidents observés dans le cadre de ce type de traitement. L’infrastructure repose (cf. figure 1) sur l’équipement de chaque malade par un terminal informatique à l’aide duquel il se connecte à une base de données pour y introduire ses paramètres quotidiens (par exemple poids, température, tension couché/debout, volume et nature des poches). La connexion s’effectue par le biais du réseau téléphonique, et l’interface malade, entièrement développée au Loria, est téléchargée sous la forme d’une Applet Java (programme disponible sur le serveur et mis à jour automatiquement) consultable à l’aide d’un navigateur web standard, et ce, après identification du patient par un mot de passe.
Auparavant, les patients relevaient quotidiennement ces paramètres sur des fiches que le médecin consultait lors des visites ou quand le patient était ramené en urgence à l’hôpital. Les médecins ont alors observé qu’il aurait été possible, en s’appuyant sur des tendances simples, de prévenir certains de ces accidents, si les fiches avaient pu être consultées de façon continue. Le système Diatélic a donc été conçu pour que le malade intègre en ligne ses paramètres journaliers dans les mêmes conditions que précédemment, facilitant au passage l’appropriation du système.
Du point de vue du médecin, il n’était pas possible d’envisager un scénario où quotidiennement, il aurait été nécessaire de consulter l’ensemble des fiches correspondant aux malades suivis pour ce type de traitement (plus de 200 pour l’Altir). La base de données a donc été couplée à un système expert, également développé au Loria et qui, sur la base des évolutions observées sur plusieurs jours, associée à des moyennes de référence sur deux semaines (pour tenir compte des évolutions lentes de l’état du patient), déclenche des alertes précises (e.g. risque d’hyperhydratation à cause d’une tension et d’un poids trop élevé) à destination du médecin. Celui-ci va consulter, via le réseau Internet ces alertes de façon prioritaire pour ensuite affiner son diagnostic sur la base de l’historique du patient (exemple, figure 2).
Les chercheurs du LORIA ont procédé, à partir du mois de juin 1998, à une première validation technique du système en équipant deux malades volontaires dordinateurs connectés directement à une première version du système intégrant un jeu élémentaire de 5 règles de déclenchement d’alertes. Cette phase leur a permis d’augmenter la fiabilité du système, mais surtout d’améliorer la qualité de l’interface utilisateur, tant du côté médecin que du côté patient. En particulier, ce fut l’occasion de développer un système particulier de messagerie électronique, intégré au reste du logiciel, par lequel le médecin peut transmettre au malade des indications de traitement.
Tant du point de vue du médecin qui a participé à l’expérience que des deux malades, le bénéfice apporté par le système Diatélic semble être très important. Le médecin se sent beaucoup plus à l’aise vis-à-vis de malades qu’il appréhende mieux et surtout est beaucoup plus satisfait des diagnostics que le système lui permet de faire. Les malades, quant à eux, ressentent principalement un sentiment important de sécurité, se traduisant d’ailleurs par une bien meilleure observance des traitements et des régimes associés à la dialyse péritonéale.
Les perspectives de ce projet sont multiples, tant d’un point de vue recherche (étude de nouvelles méthodes de détection d’alertes à l’aide de modèles probabilistes auto-aprenants, développement de nouvelles techniques d’interface) que d’un point de vue opérationnel, puisque le système, pour lequel un brevet a été déposé, est maintenant pleinement opérationnel. Pour l’heure, il est nécessaire de valider d’un point de vue médical l’apport réel de l’infrastructure développée. Léquipe de Nancy a ainsi commencé une étude statistique (dite randomisée) qui vise à comparer dix malades équipés du système à dix autres qui ne le seront pas. Les critères d’évaluation de cette expérimentation porteront sur le taux de morbidité des deux populations (évalué en termes de journées d’hospitalisation), la qualité de vie telle que perçue par les patients et bien sûr le coût annuel comparé par patient. Lobjectif à terme est dintégrer Diatélic à tout système de dialyse à domicile et ce dans le cadre dune coopération avec lAssurance maladie.
Note : Ce projet a été soutenu par le programme ” Habitat intelligent ” du département SPI du CNRS et de la Région lorraine