les révolutions chirurgicales à l’aube du XXIème siècle
Luc SOLER
IRCAD – VIRTUALS
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La détection et le traitement précoce des tumeurs permettent d’améliorer le taux de survie des patients. Cependant, les techniques actuelles de l’imagerie ne permettent pas de détecter ou de traiter les tumeurs d’une taille inférieure au centimètre. Les travaux récents développés par l’équipe VIRTUALS de l’Institut de Recherche contre les Cancers de l’Appareil Digestif (IRCAD) en collaboration avec le projet EPIDAURE de l’INRIA Sophia Antipolis, ont permis de mettre au point une nouvelle technique de détection et de délimitation automatique des tumeurs hépatiques dès 3 mm d’épaisseur. Mais plus encore que la seule détection des tumeurs précoces, ces outils de traitement d’images médicales, permettent aujourd’hui de reconstruire automatiquement en 3D un patient virtuel, copie conforme du véritable patient.

Ainsi, dans le cas du foie, il détecte et délimite automatiquement la peau, les côtes, les poumons, les reins, la rate, la vésicule biliaire, le foie, les veines hépatiques et porte ainsi que les lésions du foie (figure 1). A cette information tirée de l’image, un second système ajoute une information fonctionnelle invisible et pourtant essentielle au chirurgien, la segmentation anatomique. En effet, lorsque le chirurgien opère son patient, il doit tenir compte de la localisation de la tumeur par rapport à la vascularisation du foie. Le système développé réalise ainsi automatiquement l’étiquetage de l’arbre porte selon les définitions médicales et reconstruit les segments selon la définition de Couinaud, en 8 régions d’influence de la veine porte. Les validations médicales réalisées à ce jour montrent non seulement que le système détecte les lésions à partir de 3 mm d’épaisseur avec une précision inférieure au millimètre, mais également une amélioration significative des actes chirurgicaux grâce à l’apport de la reconstruction 3D du patient et de ses segments avant et pendant l’opération.

C’est pourquoi nous avons ajouté à ces outils de reconstruction, une interface homme-machine simple et ergonomique fonctionnant sur un PC multimédia standard ainsi que sur les portables avec carte 3D. Le praticien peut ainsi, en préopératoire, planifier une intervention et même simuler une résection virtuelle, puis visualiser en peropératoire le patient virtuel copie conforme du vrai patient (figure 2). La réalité virtuelle appliquée à la chirurgie abdominale est donc entrée dans le bloc, mais elle est accompagnée aujourd’hui d’un système qui révolutionne la chirurgie : la télé-chirurgie. Depuis trois ans, l’IRCAD participe activement à l’élaboration du robot chirurgical de télémanipulation ZEUS, de la société Computer Motion, qui représente l’une des grandes innovations bientôt incontournables dans la chirurgie et la radiologie interventionnelle. Pilotant des bras articulés qui reproduisent sous contrôle l’ensemble de ses mouvements, et contrôlant à la voix sa caméra, le chirurgien ou le radiologue peut opérer à distance confortablement installé, dans un environnement sain, et sans risque de faux mouvements dus au tremblement ou à un geste brusque (figure 3). En effet, le robot peut contrôler l’ensemble de ces paramètres, voir démultiplier le geste chirurgical, rendant le geste plus précis et plus efficace. De plus, dans le cas de la radiologie interventionnelle, la distanciation entre le praticien et le patient permet une intervention sans risque de radiation pour le radiologue. La première ablation de la vésicule biliaire réalisée sur l’homme en novembre dernier à Strasbourg, a ainsi montré que ces techniques étaient aujourd’hui utilisable et efficace, alors que le temps d’intervention était légèrement réduit.

Les travaux de recherche menés à l’institut visent maintenant à coupler la réalité augmentée à la robotique. La combinaison de ces techniques permettra ainsi de détecter et de traiter les tumeurs de petites dimensions avec une précision suffisante pour assurer le retrait des petites tumeurs et sans risque de radiation pour le praticien. Pour y parvenir, il sera nécessaire de mettre en place un système dit de réalité augmentée, qui consistera à superposer en temps réel l’image virtuelle à l’image réelle du patient durant l’intervention. Un tel système, dit de réalité augmentée, permettrait de voir le patient en transparence et pourrait être couplé à un système robotique (figure 4). Ainsi, dans un très proche avenir le couplage de la réalité virtuelle et de la robotique améliorera les opérations par un contrôle automatisé et robotisé de la position des instruments par rapport aux organes vitaux, faisant ainsi du 21ème siècle l’ère de la téléchirurgie assistée par ordinateur.